Joyeux… Peter Wildeblood

Pour fêter le 101è anniversaire de sa naissance, revoici mon article sur le journaliste et écrivain anglo-canadien Peter Wildeblood, grande figure de l’Histoire du militantisme gay.

Peter Wildeblood, pionnier du militantisme homosexuel

Peter Wildeblood (19 mai 1923 – 14 novembre 1999) était un journaliste, écrivan, dramaturge, producteur de télévision, anglo-canadien. Il restera dans l’Histoire comme l’un des premiers hommes britanniques à déclarer publiquement son homosexualité et pour avoir contribué à la décriminalisation de l’homosexualité en Grande-Bretagne.

Voici les détails les plus intéressants de sa vie.

Jeunesse

Peter Wildeblood est né à Alassio, ville de la Riviera italienne, en 1923, unique enfant de Henry Seddon Wildeblood (né en 1863), ingénieur retraité des Travaux Publics de l’Inde, et de sa 2nde épouse Winifred Isabel, née Evans, fille d’un britannique élevant des moutons en Argentine. Le petit Peter a grandi dans le cottage de ses parents en Angleterre dans le Sussex près de la forêt Ashdown. Sa mère était considérablement plus jeune que son père et Peter se demanda plus tard si cela avait influé sur son développement.

études et carrière

Après le lycée, Peter Wildeblood, qui était un élève brillant, obtint une bourse pour étudier à l’Université Radley, ce qui lui servit de tremplin pour intégrer l’Université d’Oxford, en 1941. Mais le jeune homme alors âgé de 18 ans abandonna au bout de 10 jours cause mauvaise santé. Peu après, il s’engagea dans la Royal Air Force (RAF) et reçut sa formation de pilote d’avion en Rhodésie du Sud (alors sous joug britannique). Mais après plusieurs crashes, il fut mis à pied et devint météorologue (toujours pour la RAF). Il passa en Rhodésie du Sud le reste de la 2nde Guerre Mondiale.

Après sa démobilisation, il reprit sa place d’étudiant à l’Université d’Oxford où il fréquentait un milieu étudiant homosexuel amateur de théâtre et d’arts.

A sa sortie d’Oxford, Peter Wildeblood devint journaliste, écrivant pour l’antenne régionale à Leeds (Yorkshire) du populaire quotidien britannique Daily Mail, puis à la maison-mère du quotidien à Londres, d’abord en tant que correspondant royal puis en tant que correspondant diplomatique internationale. A la même époque, Wildeblood entama une liaison sentimentale avec Edward McNally, un jeune caporal de la RAF et il lui écrivit toute une série de lettres d’amour enflammées… des lettres qui plus tard servirent de preuve cruciale quand il fut accusé de « conspiration à inciter d’autres hommes à des actes de grossière indécence » lors d’un procès scandaleux qui secoua toute la Grande-Bretagne.

Le procès Montagu

Lors de l’été 1952, Lord Montagu de Beaulieu, jeune aristocrate âgé de 25 ans, invita Peter Wildeblood à venir passer du bon temps dans une cabine de plage dont il était propriétaire près du domaine qu’il possédait à la campagne. Wildeblood, alors âgé de 28 ans, y amena deux jeunes militaires de la RAF : son amant Edward McNally, et un nommé John Reynolds. Les quatre hommes y furent rejoints par un cousin de Lord Montagu, Michael Pitt-Rivers, propriétaire terrien âgé de 35 ans. Lors du procès qui s’ensuivit en 1954, les deux militaires de la RAF témoignèrent au profit de l’accusation, expliquant que lors de la réunion, ils avaient dansé et s’étaient « comportés sans retenue ». Wildeblood déclara qu’en fait, la réunion avait était « extrêmement terne » et Lord Montagu que tout fut remarquablement innocent : « Nous avons bu des verres, dansé et nous nous sommes embrassés, c’est tout. » Mais des lettres [d’amour non platonique] de Wildeblood et Lord Montagu à Edward McNally et John Reynolds furent découvertes par la RAF; l’accusation offrit aux militaires l’immunité, à condition qu’ils témoignent contre Lord Montagu, Pitt-Rivers and Wildeblood.

Dans les années 1950, la loi britannique était très sévère pour ce qui concerne l’homosexualité; certains parlaient alors de chasse aux sorcières. Effectivement, le procès Montagu venait à la suite de toute une série de procès (pour homosexualité) qui avaient fait la une de la presse, notamment celui des espions soviétiques Guy Burgess et Donald MacLean, du député travailliste William Feilding, de l’écrivain Rupert Croft-Cooke et du comédien John Gielgud. Dans ce contexte, environ 1000 hommes étaient emprisonnés chaque année en Grande-Bretagne dans le cadre de la répression généralisée de la police envers les homosexuels. Précisons qu’à l’époque, les actes sexuels entre hommes, même dans le cadre privé, étaient considérés criminels par la loi anglaise.

Peter Wildeblood fut arrêté le 9 janvier 1954 et fut jugé en mars par les tribunaux britanniques, accusé de « conspiration à inciter certaines personnes de sexe masculin à commettre des crimes graves sur d’autres personnes de sexe masculin » (ou « sodomie »). Peter Wildeblood fut accusé de « sodomie » ainsi que Lord Montagu et Michael Pitt-Rivers, et en cours de procès il avoua son homosexualité à la Cour.

Lord Montagu fut condamné à 12 mois de prison, alors que Wildeblood et Pitt-Rivers écopèrent de 18 mois chacun. Ce verdict très sévère divisa l’opinion publique et le gouvernement demanda une étude sur le sujet qui résulta en la publication en 1957 du rapport Wolfenden recommandant la dépénalisation de l’homosexualité au Royaume Uni. Le témoignage de Wildeblood devant le comité Wolfenden fut déterminant pour aboutir aux conclusions du rapport.

Ce comité avait été établi pendant le séjour en prison de Peter Wildeblood pour investiguer la loi concernant l’homosexualité et donner des avis et recommandations de réforme si besoin. L’établissement de ce comité avait été rendu possible grâce à l’attention renforcée du public sur l’homosexualité générée par (notamment) ce procès et les autres fameux procès cités plus haut.

Peter Wildeblood contribua grandement à la réforme de la loi, en fournissant des éléments et des arguments pour le débat à la Chambre des Lords où la loi pour dépénaliser l’homosexualité fut votée en octobre 1965. Peter Wildeblood fut le seul témoin gay à être interviewé et son livre « Against the Law » servit de compte rendu passionné en faveur des homosexuels et du besoin que la loi avait d’être réformée.

« Against the Law » (« Hors la loi »)

Peter Wildeblood publia un livre sur son cas, intitulé « Against the Law », en 1955, décrivant en détail ses expériences alors qu’il était aux mains de la justice et de l’establishment britannique. Le livre mit en lumière les conditions atroces de sa détention dans la prison Wormwood Scrubs, ce qui encouragea des campagnes pour la réforme du système carcéral et de la loi sur les actes homosexuels. Ce livre était une confession autobiographique et un exemple pionnier de ‘coming out’ où Peter Wildeblood écrit sans ambage « Je suis homosexuel ». A travers tout le livre, Peter Wildeblood plaide pour la réforme de la loi en tant qu’homme, de son propre aveu, « gay ».

De plus il tente de distancier l’homosexuel des notions stéréotypées ancrées dans l’esprit du grand public : non, les homosexuels ne sont pas tous des obsédés sexuels, violeurs d’enfants ou efféminés excentriques qui n’ont que des relations éphémères. Il recadre le contexte des vies homosexuelles, posant les fondations d’un chemin vers l’acceptation mais aussi, et c’est très important, vers l’égalité des droits.

Le grand journaliste écrivain (et dans sa jeunesse, policier londonien) C. H. Rolph écrivit dans le magazine d’actualité The New Statesman en 1955 que « Against the Law » était « le plus noble, le plus intelligent et le plus effroyable livre carcéral jamais écrit. » Pour Wildeblood, « c’était juste une partie de l’histoire implicite en moi depuis que je suis né. »

Wildeblood écrivit un second livre sur le sujet de l’homosexualité l’année suivante (1956), motivé (comme il l’explique dans le premier chapitre) par les très nombreux retours, suite à la parution de « Against the Law », de personnes qui le contactèrent directement pour lui dire combien ils étaient reconnaissants d’avoir porté ce sujet à la connaissance du grand public. Ce livre, intitulé « A Way of Life » (« Une manière de vivre ») comportait 12 chapitres décrivant les vies de certains des homosexuels qui l’avaient contacté. Ce livre contribua encore plus à normaliser l’homosexualité et à révéler qu’elle existait chez des hommes de toutes les sphères de la société, des hommes qui à l’époque étaient obligés de vivre clandestinement leur sexualité.

Suite de carrière

Après son emprisonnement et la sortie de ses livres, Wildeblood devint producteur et scénariste de télévision et participa à un certain nombre d’émissions télévisée, notamment pour Granada Television (chaîne de TV britannique) puis CBC Toronto dans les années 1960 et 1970.

De plus, il écrivit les paroles et le livret, sur une musique de Peter Greenwell, de la comédie musicale avant-gardiste « The Crooked Mile » qui se joua à Londres en 1959 et dont l’action se déroule dans le quartier londonien alors malfamé de Soho (aujourd’hui on y trouve entre autres des bars homosexuels, des sex-shops, des pubs et des marchés en plein air).

Ensuite, Peter Wildeblood s’installa au Canada et devint citoyen canadien dans les années 1980. En 1994, il fit un AVC qui le laissa paraplégique et incapable de parler. Il décéda en 1999 à Victoria en Colombie Britannique âgé de 76 ans.

Postérité de Peter Wildeblood

Les actes homosexuels en privé entre hommes de plus de 21 ans en Angleterre et au Pays de Galles furent décriminalisés par un acte de loi en 1967. Le rôle primordial tenu par Peter Wildeblood dans le passage de cette loi lui vaut sa place dans l’Histoire, il fut détaillé en 2007 dans le docufiction « A Very British Sex Scandal » produit par Channel Four et en 2017 dans le docufiction produit par la BBC « Against The Law » basé sur le livre de Peter Wildeblood.

wikipedia – traduit par roijoyeux

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