Joyeux… Jean Boullet

Le formidable artiste illustrateur et peintre Jean Boullet est le héros du 625è épisode de ma série sur les personnes non-hétérosexuelles qui ont réussi.

Jean Boullet le visionnaire

Jean Boullet (né le 12 décembre 1921 à Neuilly-sur-Seine et mort en Algérie à Annaba le 2 novembre 1970 à 48 ans) est un peintre, dessinateur, illustrateur, mais aussi critique de cinéma et écrivain français.

Génie subversif, Jean Boullet fut un personnage hors du commun, passionnant et fascinant, attiré par toutes les anormalités. Tout de cuir vêtu avant la mode, le corps entièrement tatoué avec, dans le dos, un aigle battant des ailes lorsqu’il levait les bras.

Il revendiquait son homosexualité et sa connaissance du Bizarre, au point de rechercher des amants ayant une particularité anatomique.

« Dracula est mon maître » disait-il. Bram Stoker (écrivain créateur du personnage de Dracula), était son idole.

Voici les détails les plus intéressants de sa vie.

Jeunesse de Jean Boullet

Né en 1921, Jean Boullet est le fils d’Henri Boullet, un commerçant en peaux de chats de l’avenue d’Italie [Paris], qui se suicide par pendaison. Dans son enfance, très catholique, le petit Jean Boullet passe ses étés à Isdes (village du Loiret), dans une maison qu’il conservera. Il commence à peindre dès 1942, principalement des portraits.

Jean Boullet illustrateur

Il se fait connaître comme dessinateur et illustrateur dans le Saint-Germain-des-Prés de l’immédiate après-guerre. Le jeune artiste illustre aussi bien un livre de Daniel-Rops, l’écrivain catholique (« Ce visage qui nous regarde »), que l’ouvrage sulfureux — interdit par la censure — de Boris Vian, « J’irai cracher sur vos tombes » (*), des textes d’Edgar Poe, Raymond Asso, des poèmes de Villon, de Verlaine. En 1948, il est l’auteur des décors de la pièce « J’irai cracher sur vos tombes » que Boris Vian a tirée de son roman homonyme et qu’il a signée de son nom réel.

(*) « J’irai cracher sur vos tombes » est un roman noir de Boris Vian, publié sous le pseudonyme de Vernon Sullivan, paru pour la première fois en 1946 aux éditions du Scorpion. L’histoire, comme les autres histoires de Vian écrites sous le pseudonyme de Sullivan, se déroule dans le Sud des États-Unis (…) et raconte le parcours meurtrier de Lee Anderson, un homme né d’une mère mulâtre… Lee, qui a la peau blanche et les cheveux blonds, quitte sa ville natale après la mort de son frère noir, lynché parce qu’il était amoureux d’une blanche. Arrivé dans une autre ville, Lee, qui a « franchi la ligne » (se revendiquer blanc), devient libraire et entre dans la petite bande locale de jeunes en manque d’alcool et sexuellement très actifs. Son but est de venger la mort de son frère. Il choisira de le faire en tuant deux jeunes Blanches de la bourgeoisie locale (« deux pour un »).

Jean Boullet critique de cinéma

Jean Boullet est aussi un critique de cinéma vénérant les films fantastiques et d’épouvante que l’on peut voir alors au cinéma Midi-Minuit sur les Grands boulevards [Paris]. Pour montrer les films encore plus rares et qu’il aime, il monte un ciné-club privé dans sa maison de la rue Bobillot : la Société des Amis de Bram Stoker. Il sera aussi avec [les journalistes et critiques de cinéma] Michel Caen, Alain Le Bris et Jean-Claude Romer, le cofondateur de la revue de cinéma Midi Minuit Fantastique (1962-1971) (…) revue dédiée aux films fantastiques, d’horreur et de science-fiction. Jean Boullet se retire de la rédaction de cette revue en 1966.

Jean Boullet amateur du bizarre et de l’interdit

Foncièrement libertaire, anticlérical, ennemi des ordres établis et lancé personnellement dans une quête effrénée du bizarre et de l’interdit, Jean Boullet est aussi passionné par bien d’autres thèmes : la sexologie, l’illusionnisme, la magie, la démonologie, la mythologie populaire… En décembre 1965, il ouvre au 79, rue du Château [Paris] une librairie, « Le Kiosque », spécialisée dans ces thèmes et dans la bande dessinée de collection. Mais début 1969, criblé de dettes, il ferme boutique, et en août, part s’installer en Algérie, à Ouargla, pour y tenir une autre librairie (…)

Durant l’été 1970, il décide de quitter Ouargla pour le sud de l’Algérie, et entreprendre un voyage, tout en conservant sa librairie. Au cours de l’une des étapes de ce voyage, fin décembre, il est découvert à Tébessa, au sud de Constantine, selon le rapport de la police algérienne, pendu à un arbre. Mais selon l’écrivain Roger Peyrefitte, Jean Boullet serait mort non pas pendu mais poignardé.

Postérité de Jean Boullet

Bien que peu connu du grand public, Jean Boullet restera dans l’histoire pour avoir été un illustrateur des années 1950 et 1960, et un artiste très particulier qui a laissé une œuvre homo-érotique conséquente.

Ouvertement homosexuel, se proclamant « peintre de la beauté masculine », il a multiplié les dessins ou les tableaux d’une esthétique homo-érotique plus ou moins inspirée de celle de Jean Cocteau.

Selon Art Critique : « (…) Les dessins érotiques de Boullet sont magnifiques, voués à la gloire de « mauvais garçons » juvéniles et tatoués, entre les marins en bordée [du dessin] Le Livre blanc et les bagnards du Miracle de la rose. Les amants idéaux suscités d’un trait ont presque tous le même visage, reconnaissable entre tous, aux traits à la fois adolescents et durs. Quelques dessins et photographies d’autres auteurs, qui complètent l’accrochage, montrent la place royale tenue par les croquis de Beaux gars (titre d’une plaquette de Boullet) dans le monde des arts garçonniers (…)

Homosexualité et autres informations sur Jean Boullet

Comme me l’a expliqué Gérard Dôle, auteur-compositeur-interprète, musicien et écrivain, et lecteur attentif de roijoyeux :

Jean Boullet était certainement une grande figure du milieu gay quand celui-ci n’avait pas encore acquis la force qu’il a aujourd’hui.

Je le revois, en 1967, dans sa petite boutique de bandes dessinées de collection, rue du Château, dans le XIVè.

Il portait en ce temps-là une chevelure absalonienne blonde, déteinte à grand renfort d’eau oxygénée.

Il était vêtu d’un jean et d’un joli gilet indien en peau retournée.

Je me souviens de ses ongles « en deuil » qui dévalorisaient à peine ses doigts couverts de bagues rutilantes.

A l’en croire, et il l’exprimait avec de grandes gesticulations, il passait des nuits merveilleuses au Midi-Minuit, un ciné des Boulevards. Il s’extasiait sur des films rares à l’époque, films fantastiques ou d’horreur, allant du « Nosferatu » de Murnau aux Dracula [avec] Bella Lugosi et Christopher Lee.

C’est dans son officine [atelier] de Plaisance, aux tables taillées dans des feuilles d’isorel posées sur des tréteaux et disposées en un U renversé, que j’ai pu admirer pour la première fois une planche originale de la [série de bande dessinée] « Alix » dessinée par Jacques Martin.

Et dans son dos, parfois, la tenture fanée d’une petite ouverture se soulevait à demi, laissant paraitre le visage souriant d’un jeune maghrébin.

Certains ont prétendu que ce garçon souffrait d’un léger handicap moteur, ce qui lui conférait un charme extraordinaire aux yeux de son amant.

Jean Boullet était un Seigneur de la Nuit qui clamait à tout instant son homosexualité triomphante.

Jean Boullet, au cours de sa vie, a rencontré le Tout-Paris qui a pour noms alors : Édith Piaf, Michel Déon, Marie-Laure de Noailles, Jean Cocteau, Juliette Gréco, Jacques Chazot, Piéral (dès 1942), Sacha Guitry, Marcel Carné, Roland Lesaffre, Kenneth Anger, Félix Labisse, Lise Deharme, Michel Laclos, Elliott Stein, Jacques Courtois…

Dans sa jeunesse, Jean Boullet fut également un des amis du poète breton Max Jacob. Un portrait à l’encre de chine réalisé de sa main en 1943 représentant Max Jacob revêtant l’étoile jaune est aujourd’hui conservé et présenté au musée des Beaux-Arts de Quimper.

wikipedia + amazon – complété par roijoyeux avec Gérard Dôle

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2 commentaires pour Joyeux… Jean Boullet

  1. Canet Nicole dit :

    J’honore la mémoire de Jean Boullet dont je suis « fan » et j’ai fais 2 livres, donc celui que vous mettez en couverture « Passion et Subversion », et puis 3 ou 4 expositions de ses dessins et peintures, dans ma galerie Au Bonheur du Jour, 1 rue Chabanais, 75002 Paris. Les oeuvres sont toujours visibles, sur demande, toute l’année. Et une page J. Boullet sur mon site internet.

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