Pour fêter ses 80 ans, revoici mon article sur le grand écrivain américain Armistead Maupin.
Armistead Maupin, chroniqueur de San Francisco
Armistead Jones Maupin Jr., né le 13 mai 1944 à Washington, est un écrivain américain célèbre pour son feuilleton « Tales of the City » paru dans le quotidien San Francisco Chronicle à partir de 1976 qui fut ensuite publié en neuf romans au retentissement mondial sous le titre « Les Chroniques de San Francisco » (*) puis produit pour la télévision (1993), et pour son engagement pour l’acceptation des homosexuels par la société.
(*) « Les Chroniques » sont l’histoire en feuilleton, des années 1970 aux années 2010, d’habitants d’un immeuble de San Francisco, certains hétérosexuels, d’autres homosexuels, qui deviennent amis, se rapprochent ou se séparent, sous la férule d’une logeuse débonnaire et fantasque. Les romans, à ce jour au nombre de neuf, traitent sur un mode léger, humoristique mais également tragique des joies et des peines, et pour résumer de la vie elle-même, de ce petit monde attachant. On traverse ainsi sur plus de trente ans l’époque post-Woodstock de la libération sexuelle, celle de l’épidémie meurtrière du sida et enfin celle des applications de rencontre et de la drague en ligne. Le premier roman est paru en 1978 et le dernier en 2014.
Voici les détails les plus intéressants de la vie d’Armistead Maupin.
Jeunesse et début de carrière
Maupin est né à Washington mais quand il était enfant, sa famille s’installa à Raleigh (ville de Caroline du Nord) où il a grandi. Il commença à travailler en tant que journaliste pour un quotidien de Charleston (ville de Caroline du Sud) avant de s’installer à San Francisco en 1971 pour travailler pour l’Associated Press (l’agence de presse américaine). Il travailla aussi quelques années plus tard en tant que scénariste et producteur de télévision, notamment sur les séries à succès « Les Feux de l’amour » (« The Young and the Restless ») et « Côte Ouest » (« Knots Landing »).
En 1976, Maupin commença son fameux feuilleton « Tales of the City » pour le journal San Francisco Chronicle, un feuilleton qui raconte les vies d’un groupe d’amis, avec en personnage principal Mary Ann Singleton, jeune femme de l’Ohio qui s’installe à San Francisco et va devenir partie intégrante de la scène vibrante des excentriques de la ville… Les épisodes du feuilleton furent ensuite publiés rassemblés sous forme de livres, dont le premier, intitulé « Les Chroniques de San Francisco » parut en 1978, et furent adaptés en pièces de théâtre et à la télévision en 1993.
Mais le succès mondial n’arriva pas instantanément…
« Les Chroniques » dans le journal local
Comme les épisodes du feuilleton étaient publiés quotidiennement dans le San Francisco Chronicle peu de temps après que Maupin les ait écrits, il lui fut possible d’y intégrer des évènements de l’actualité gay et hétérosexuelle de San Francisco, et de modifier les histoires en fonction des réactions des lecteurs du quotidien. Un jour, Maupin reçut une lettre d’un lecteur lui faisant remarquer que le nom d’un des personnages était une anagramme [Anna Madrigal, a man and a girl], ce qui permit au romancier d’écrire une des surprises les plus mémorables et inattendues du feuilleton.
Des personnes existant (ou ayant existé) comme Jim Jones [pasteur et fondateur d’une secte qui provoqua un traumatisme à l’échelle mondiale lorsque sa communauté de 914 personnes connut une fin tragique le 18 novembre 1978, périssant par ingestion de cyanure de potassium ou assassinat], et une Elizabeth Taylor à peine voilée sont mentionnées dans l’intrigue. Une célébrité masculine homosexuelle majeure dans le placard est évoquée avec son nom effacé « ______ ______ » tout le long du troisième roman paru en 1982, avec suffisamment de détails pour que les lecteurs affutés comprennent que c’était possiblement Rock Hudson [Hudson révéla son homosexualité 3 ans plus tard quelques jours avant de décéder du sida].
« Les Chroniques » en romans et séries télé, un succès planétaire
« Les Chroniques de San Francisco » furent ensuite publiées sous forme d’une série de livres. Le premier de ces romans, intitulé « Tales of the City », fut publié aux états-Unis en 1978, suivi de 5 autres dans les années 1980, dont le dernier « Sure of You » (intitulé en France « Bye-bye Barbary Lane ») est paru en 1989.
Un 7è roman, « Michael Tolliver Lives » (« Michael Tolliver est vivant »), paru en 2007, raconte la suite des aventures de certains des personnages. Il fut suivi d’un 8è tome, « Mary Ann in Autumn » en 2010, et d’un 9è et dernier volume, « The Days of Anna Madrigal » en 2014.
Sur la nature autobiographique de ses personnages, Maupin a déclaré : « J’ai toujours été tous les personnages d’une manière ou d’une autre. »
La série de livres « Les Chroniques de San Francisco » connut un succès international, elle a été traduite dans 10 langues et imprimée à plus de 6 millions d’exemplaires.
Les premiers tomes des « Chroniques » ont été adaptés en 1993 par la chaîne de télévision britannique Channel 4 en une formidable série intitulée « Tales of the City » diffusée dans le monde entier, notamment aux états-Unis et en France.
Cette première série télé fut suivi par deux autres, « More Tales of the City » en 1998 et « Further Tales of the City » en 2001-2002 et le 7 juin 2019, Netflix sortit un nouvelle série en 10 épisodes intitulée « Armistead Maupin’s Tales of the City », basée sur l’avant-dernier tome des Chroniques, « Mary Ann in Autumn ».
Vie personnelle d’Armistead Maupin
Maupin est ouvertement homosexuel. Il s’est marié avec Christopher Turner, concepteur de sites internet et photographe, à Vancouver en 2007.
En 2011 lors d’un voyage en Australie, Maupin et son mari se virent refuser l’entrée des toilettes d’un bar restaurant où ils déjeunaient dans la ville d’Alice Springs. Le barman leur dit d’aller en face car les toilettes de son établissement étaient réservées aux « vrais hommes ». Maupin a écrit à ce sujet : « Nous avons donc fait que ces les vrais hommes font, nous avons traversé la rue pour déposer plainte à l’office de tourisme. C’est impressionnant mais nous avons reçu une excuse du barman par e-mail l’après-midi même. Excellent l’ami. La prochaine fois, tu n’enc*leras pas les tantes. »
En 2019, il s’est installé avec son mari à Londres pour fuir l’Amérique de Trump.
Postérité d’Armistead Maupin
Si vous ne l’avez jamais lue, ou jamais vu les feuilletons télévisées basés sur les livres, la série de romans « Les Chroniques de San Francisco » est un incontournable classique de la littérature gay à lire par tous les membres de la communauté LGBT, jeunes ou plus âgés, notamment les premiers tomes qui sont un retour arrière divertissant, émouvant, magique et plein d’amour vers une époque (les années 1970) presque oubliée de l’Histoire LGBT, éclipsée par la pandémie du sida des années 1980 – Maupin fut d’ailleurs l’un des premiers écrivains à évoquer le sida dans ses intrigues.
Une série de livres merveilleux pour lesquels Armistead Maupin restera dans l’Histoire et nous devons lui dire un grand merci.
Back2Stonewall + Zone critique – traduit par roijoyeux
… Revenez pour de nouvelles enquêtes, prochainement sur roijoyeux !!! … Et vous pouvez lire l’histoire des autres héros joyeux ici