Joyeux… Philippe Meynard

L’homme politique Philippe Meynard est le héros du 615è épisode de ma série sur les personnes non-hétérosexuelles qui ont réussi.

Philippe Meynard, prodige de la politique

Philippe Meynard est né le 6 novembre 1970 de parents viticulteurs à Barsac, en Gironde. Il est le 4ème d’une fratrie de 7 enfants.

Jeunesse et formation

Après avoir été à l’école primaire à Barsac, il poursuit ses études à Langon (collège Jules Ferry), Bazas et Marmande (47) pour terminer par un cycle supérieur à Dax (40).

Diplômé d’Etat en Techniques et actions commerciales en 1990, il devient associé-gérant d’un groupe immobilier.

Vie politique

Dès son plus jeune âge, il est très impliqué dans la vie associative barsacaise, notamment en jouant du clairon dans la fanfare locale.

Il est élu conseiller municipal de la commune en 1989. Alors âgé de 18 ans, il est le plus jeune élu de France.

Conseiller municipal, puis premier adjoint au maire, il est élu maire en 2004. Réélu en 2008 et en 2014 dès le 1er tour avec plus de 60 % des voix, il est également élu en 2008 Président de la Communauté de Communes de Podensac. Lors des élections régionales de 2010, il est élu conseiller régional d’Aquitaine.

AVC

Victime d’un AVC en février 2014, il est admis dans le coma au sein de l’Unité Neurovasculaire du CHU de Bordeaux. Une craniectomie décompressive est réalisée « en urgence absolue » par l’équipe médicale.

Après un coma de plusieurs jours et trois mois d’hospitalisation au sein du service de Neurologie du CHU de Bordeaux et de l’Hôpital Tastet Girard, 8 mois de rééducation sont entrepris à la clinique des Grands Chênes. Il réapprend notamment à écrire, à parler et à marcher, aux bons soins de neuropsychologues, kinésithérapeutes, ergothérapeutes et orthophonistes.

A la demande des équipes médicales qui se sont occupées de lui, Philippe Meynard-Fourcade choisit en 2014 de s’engager pour contribuer à la prévention des AVC, notamment au travers de la création de l’association « AVC tous concernés », reconnue d’Intérêt Général par l’Etat.

Il annonce en janvier 2015 qu’il quittera définitivement la vie politique à l’issue de son arrêt de travail, car cette vie est incompatible avec son état de santé.

La CPAM le classe en invalidité au 1er janvier 2016, mettant ainsi un terme à son arrêt de travail. Il démissionne alors de la fonction de Maire et de membre du conseil municipal de Barsac.

Il consacre depuis sa vie à la prévention des AVC via son association « AVC tous concernés ».

… Mais… Philippe Meynard est-il joyeux ?? …

Voici la réponse :

Portrait – Philippe Meynard, 29 ans, élu local UDF, gay et fier de l’être. Sa sortie du placard trouble son village à l’heure du Pacs. Homo politicus.

par Pascale Nivelle

Libération le 12 octobre 1999

Homophobe? Vous ne trouverez personne comme ça à Barsac, Gironde. Ici, entre vignes et Garonne, la vie privée est sacrée. Philippe Meynard, jeune élu UDF, le croyait, jusqu’au jour où un vol de corbeaux s’est posé sur les fils téléphoniques du village. Pour lui dire qu’il fallait choisir: être «pédé» ou faire de la politique dans le parti de Christine Boutin.

Une bonne graine républicaine. Fils de vigneron, il a été élevé à la laïque, dans la certitude que la politique grandit son homme. Pas à droite, pas à gauche, au centre. Il préférait Simone Veil et Raymond Barre au Mitterrand finissant de son adolescence. L’«humanité» de l’une, l’«intégrité» de l’autre ».

Sur leurs traces, il a rallié l’UDF à 18 ans, versant CDS d’abord, puis « Force démocrate », jusqu’à la nouvelle UDF de François Bayrou. En 1989, il se présente sur la liste apolitique du maire de droite, 75 ans, rajeunissant considérablement les cadres, et attaque le mandat en coureur de fond: conseiller municipal, puis adjoint, il frotte sa «fibre sociale» aux comités ruraux, municipaux, cantonaux, régionaux, aux ego susceptibles des bénévoles de l’Avenir barsacais et aux ambitions de ses collègues de liste.

Vite lesté de tous les dossiers en friche de la commune (sport, culture, jeunesse, social), il cavale entre la mairie et son agence immobilière bordelaise, dimanches et jours de fête compris. Implacable, comme au rugby, il renverse l’équipe sortante, soutient la suivante, court pour Maastricht, et derrière Baudis pour les européennes. Casaque Balladur à la présidentielle, il se présente aux régionales, préside, un temps, les jeunes CDS du département, soutient le candidat centriste aux législatives.

Indemne dix ans plus tard, «toujours passionné de politique, dans le sens: résoudre les problèmes, aider les gens, prendre des décisions qui vont faire changer les choses». Fier parce que, désormais, chaque enfant de Barsac peut étudier le violon ou jouer au foot presque gratuitement. Et toujours UDF : «Je n’ai pas forcément besoin d’une lumière, ni de m’accrocher à un drapeau. Si j’aimais hurler dans les meetings, j’aurais choisi le RPR.»

Des jeunes comme Philippe Meynard, Barsac en redemande. Même avec le crâne rasé, son nouveau look. Et même amoureux d’un garçon, tant que cela ne se sait pas, ne se dit pas. Rien à redire. L’immatriculation de sa 206, peut-être.
5000 PB 33: certains, au village, ont jugé le chiffre «voyant».

Le 12 août 1999 restera plus durablement dans les esprits. Ce jour de conseil municipal, Philippe Meynard a décidé de sortir du placard. Il n’a pas dormi. La veille, une nouvelle carte est arrivée au courrier. Une femme nue, sous-titrée : «C’est quand même mieux!» Moins gras, cependant, que la plupart des messages qu’il trouve souvent le soir sur son répondeur.

Depuis quelques mois, en réalité depuis qu’il s’est présenté aux élections régionales de mars 1998, l’atmosphère s’est épaissie. Aucune attaque frontale, mais des regards, des sous-entendus. La torpeur cotonneuse des coteaux du Bordelais, paysages de Mauriac, a beau amortir les «débats de société», le Pacs est arrivé jusqu’à Barsac, même si, ici, on confond souvent Pacs et PAC, la politique agricole commune.

Philippe Meynard a vu Christine Boutin et sa Bible à l’Assemblée. En janvier, il a repéré, dans les manifs anti-Pacs, des banderoles «Les Pédés au bûcher» et vu l’UDF qui emboîtait le pas. Tout cela l’a dérangé; le Pacs, il y pensait justement pour lui-même. Son conseil municipal est contre. Mme le maire, détentrice des clés de l’église depuis le départ du curé, a signé la pétition de soutien des élus aux croisades de Christine Boutin, sans demander l’avis de ses adjoints.

Candide et pédagogue, Philippe Meynard organise un débat public: «Les homosexuels sont-ils des citoyens à part entière?», et convie les élus du canton. Mal vu: «On m’a fait comprendre, à la mairie, qu’un élu doit défendre la morale et les valeurs de la famille, et n’a pas à participer à ce genre de réunions.» Coup de fatigue. Il prend conscience que sa vie est devenue pesante. Libre à Bordeaux, où il habite avec un ami, il doit se cacher à Barsac.

«C’est terrible d’être obligé de mentir pour assumer sa différence.» La nuit du 12 août, tout cela tourne dans sa tête. Il envisage de rendre son tablier d’adjoint, de quitter le village. Au petit matin, il appelle sa mère, son père, ses frères et ses soeurs: «Je vais leur dire que je suis homosexuel et que je les emmerde.» La famille l’encourage.

«Depuis des années, explique-t-il, j’ai toujours pensé aux autres. J’essaie de faire des choses et d’expliquer pourquoi je les fais, de ménager les gens. Cette fois, j’ai pensé à moi.» Le soir, devant les autres adjoints, Philippe Meynard annonce sa candidature aux prochaines municipales et ajoute: «Je voudrais officialiser mon homosexualité. Si les électeurs estiment que je ne suis pas digne d’être élu uniquement parce que je suis homosexuel, tant pis.»

Silence poli. La vie privée ne regarde personne. Mais les démons sont lâchés. Le lendemain, hors d’atteinte de Philippe Meynard, un adjoint prophétise: «On perdra les élections à cause de lui, il nous éclabousse!» La «société civile» est, au mieux, indifférente. Et quand elle le soutient, c’est avec maladresse.

«C’est un garçon entier, je le comprends. Mais avec cette histoire, il va se discréditer auprès des jeunes», regrette Jeannette, présidente de l’Avenir barsacais, l’association de musique.

Le jeune élu confie dans un lapsus: «Je suis soulagé d’avoir avoué.» [alors que l’homosexualité n’est pas un crime]. Il se sent léger, «en paix». «On a voulu me pousser à bout, mais je ne céderai pas. Le milieu politique est intolérant, dix fois plus réactionnaire que la population. Si j’étais simple agent immobilier, personne ne m’aurait attaqué.» Il ajoute: «Si ça sert à d’autres, tant mieux. Mais je n’ai pas fait ça de façon politique, je l’ai fait pour moi.»

Deux semaines plus tard, parti «pour ne plus jamais tricher», il est à Risoul (Hautes-Alpes), à l’université d’été de l’UDF. Les jeunes, justement, grondent contre Christine Boutin, égérie imposée du mouvement. Quand paraît Philippe Douste-Blazy, Philippe Meynard attaque: «Mais comment l’avez-vous laissée faire? Comment Christine Boutin en est-elle venue à représenter l’UDF?»

Dans un communiqué, il dénonce ensuite le soutien de la députée catholique à Charles Millon, aux commandos anti-IVG, son lobbying contre la loi Veil et contre l’Europe, et conclut: «Qu’elle s’en aille!»

Philippe Douste-Blazy ergote mais finit par lâcher, devant trois cents jeunes, que la pensée de Christine Boutin est «pour une partie honnête, pour une partie homophobe». Mince victoire, car le président du groupe UDF à l’Assemblée nationale s’est aussitôt excusé auprès de la députée, furieuse.

Philippe Meynard, lui, n’a reçu aucun encouragement. Son retour au pays est frais. «Quelle image donnes-tu de nous? Même le Figaro en a parlé »», grognent les caciques. Les coups de fil anonymes redoublent, les menaces se précisent: «Tu vas le payer!» Un soir, son portable sonne. Philippe Meynard entend un coup de feu. Le bûcher, c’était au Moyen Age. A Barsac, on a inventé la poudre.

Philippe Meynard en 4 dates. + 5

  • 6 novembre 1970. Naissance à Latresne (Gironde).
  • 1989. Election à la mairie de Barsac (Gironde) (conseiller municipal).
  • 1990. Ouvre une agence immobilière et adhère à l’UDF.
  • Août 1999. Déclare son homosexualité.
  • 2004. Est élu maire de Barsac.
  • 2008. Est élu Président de la Communauté de Communes de Podensac.
  • 2010. Est élu conseiller régional d’Aquitaine.
  • 2014. Victime d’un AVC.
  • 2016. Crée l’association « AVC tous concernés ».

Libération + wikimonde

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